Test Crusader Kings 2 (PC) : 9/10 sur JeuxVideo.fr

Depuis la sortie d'Europa Universalis, il y a maintenant douze ans, Paradox Interactive s'est fait une sp�cialit� des jeux de gestion / strat�gie � touffus ï¿½. De mani�re un peu sch�matique, on pourrait m�me dire que le d�veloppeur su�dois est compl�tement seul sur ce segment de march�, mais compte tenu de l'expertise du studio, les amateurs ne s'en plaignent pas le moins du monde et ce n'est pas la sortie de Crusader Kings 2 qui leur fera changer d'avis ! Sortie via Steam mi-f�vrier, la derni�re production Paradox profite maintenant d'une commercialisation "bo�te" et de l'arriv�e de la mise � jour v1.04, l'occasion pour nous de vous dire tout le bien que nous en pensons !

S'il se destinait exclusivement aux habitu�s des produits Paradox, le test de Crusader Kings 2 pourrait se r�sumer � une simple phrase - le moins bugg� des jeux du Su�dois - et cela suffirait � leur bonheur ! Histoire de toucher un public plus large et peut-�tre convaincre quelques curieux, nous allons tout de m�me aller plus loin. Comme son nom l'indique, Crusader Kings 2 est la suite de Crusader Kings. Il reprend donc le concept qui a fait le succ�s de son anc�tre et nous invite � d�couvrir le Vieux Continent entre la bataille d'Hastings (1066) et la chute de Constantinople (1453). Durant cette p�riode, il est question de n�gocier avec les � grands de ce monde ï¿½, de faire prosp�rer son domaine, d'�viter les r�voltes, de maintenir son arm�e � au niveau ï¿½, de faire progresser les sciences... en gros, de faire du Paradox.

Seulement voil�, Crusader Kings 2 ce n'est pas un jeu Paradox comme les autres et quand Europa Universalis, Hearts Of Iron ou Victoria, nous proposent de diriger une nation, lui nous place aux commandes d'une dynastie... Cela change pas mal de choses et en premier lieu, cela change les conditions de victoire / de d�faite. Avec un titre classique, on se focalise effectivement sur le d�veloppement de sa nation et l'objectif est - sch�matiquement bien s�r - de tutoyer la domination totale en ayant passablement repouss� ses fronti�res. Dans Crusader Kings 2, il en va diff�remment et en d�butant avec la dynastie Capet, comtes de Paris et d'Orl�ans, il est tout � fait possible de r�aliser une belle partie en ayant joyeusement torpill� la Couronne de France. En r�alit�, on peut m�me trouver mieux sous d'autres latitudes.


Dans Crusader Kings 2, la r�ussite d'une dynastie s'�value de plusieurs mani�res et chaque joueur peut ainsi se trouver un objectif qui lui tient � c�ur. Cependant, afin de simplifier les choses et permettre des comparaisons rapides, les d�veloppeurs ont instaur� un syst�me dit de Prestige qui �value la performance d'un personnage. Lorsque celui-ci meurt, son total est transf�r� vers le � compte ï¿½ de la dynastie et le joueur encha�ne avec son successeur. L� encore, il tente d'engranger un maximum de points de prestige avant de mourir et ainsi de suite. En fin de partie (1453 ou fin pr�matur�e de la dynastie), on obtient ainsi un score total qui sanctionne nos performances sur pr�s de 400 ans de jeu avec des hauts et des bas en fonction du contexte historique, mais aussi des caract�ristiques de notre personnage.

Une bonne part des actions du joueur d�pendent effectivement des caract�ristiques de son � chef de famille ï¿½. Celui-ci est l'unique personnage de la dynastie que l'on contr�le et on ne change d'avatar qu'� sa mort, le jeu nous transf�rant automatiquement vers son h�ritier direct. De fait, on ne se retrouve pas toujours avec un souverain de qualit� entre les mains et en fonction de ses aptitudes militaires, de son habilet� de gestionnaire ou de son sens de l'intrigue, notre personnage n'aura �videmment pas le m�me potentiel... ou disons plut�t qu'il faudra faire avec ce que Dame Nature aura pr�vu pour lui. Dame Nature ? Ce n'est pas tout � fait exact, car le joueur a de nombreux moyens d'action pour forcer un peu le destin, et ce, tr�s t�t dans la partie.

Au lancement du jeu, il nous faut choisir une date de d�part (1066-1453 donc) et surtout une dynastie. Celle-ci peut tr�s bien d�j� �tre en place dans l'un des principaux royaumes du continent ou se limiter � un comt� perdu au fin fond de la Souabe. Pour un d�but prometteur, certains conseillent de partir avec la Croatie, d'autres pr�f�rent l'�cosse et enfin certains se complaisent avec la Galice. Dans un cas comme dans l'autre, l'important est d'abord de soigner sa descendance et cela passe d'abord par un bon mariage... On se transforme alors en agence matrimoniale et on cherche une �pouse qui nous assurera quelques titres, une alliance profitable, mais aussi des enfants potentiellement � aptes ï¿½ et, pour beaucoup, la Duchesse de Toscane est par exemple un excellent parti.

Sur le plan comptable, la prosp�rit� de son duch� est int�ressante, mais ce sont aussi ses caract�ristiques (diplomatie, martial, intendance, intrigue, connaissance) et ses � traits ï¿½ qui en font un PNJ s�duisant. Un � trait ï¿½ permet par exemple de qualifier un personnage d'idiot ou de cruel, de l'affubler de quelques tares (bossu par exemple) ou de r�compenser sa bravoure au combat (courageux). Le but des d�veloppeurs est bien s�r de compenser un peu les seules caract�ristiques, mais aussi et surtout de donner une dimension un peu jeu de r�le � l'ensemble. En effet, de nombreux traits peuvent �tre alt�r�s par les choix du joueur tout au long de la partie et des �v�nements surgissent r�guli�rement pour nous offrir un moyen d'agir : partir en Croisade a ainsi toutes les chances de faire de notre avatar un � z�l� ï¿½.

Afin de simplifier (un peu) les choses, Paradox limite les choix des joueurs aux seuls peuples chr�tiens
Une grande partie des actions tent�es tout au long de la partie d�pend des caract�ristiques de notre personnage. Les n�gociations avec les autres souverains seront influenc�es par notre diplomatie alors qu'une tentative d'assassinat aura davantage de chances d'aboutir si nous excellons en intrigue. De fait, il est important d'avoir un personnage dot� de traits / caract�ristiques favorables � nos objectifs et c'est � ce niveau que l'importance du mariage se fait sentir : en unissant notre monarque � une idiote na�ve, il y a peu de chances que l'on enfante un intriguant de g�nie ! Bien s�r, il sera possible de confier nos enfants � des tuteurs de qualit�, mais le capital g�n�tique n'est pas � n�gliger, si vous ne voulez pas vous retrouver avec des d�biles cong�nitaux sur dix g�n�rations !

Sans m�me parler d'enfanter des successeurs dignes de ce nom, le mariage a son importance, car avant d'avoir un h�ritier, votre Roi aura peut-�tre eu quatorze filles et douze b�tards ? Pas forc�ment un probl�me, cela peut �ventuellement �tre l'occasion de tisser des alliances, voire de r�unir quelques comt�s � l'aide d'unions matrilin�aires... Les possibilit�s sont, comme d'habitude avec les jeux Paradox, extr�mement nombreuses. Au travers d'une partie, il est par exemple possible d'assassiner deux de ses enfants pour �viter que la Couronne ne soit divis�e au moment de la succession pour ensuite assister au d�c�s du Dauphin, emport� par une �pid�mie de typhus. On peut ainsi se retrouver sans le moindre h�ritier m�le direct et perdre la partie dans le d�shonneur le plus total !

De fait, les choses peuvent sembler un rien chaotique dans Crusader Kings 2, mais en r�alit�, le concept et le gameplay restent tr�s proches des autres titres Paradox : simplement, le changement de perspective rend les choses beaucoup plus difficiles � cerner et nous imposent de r�server ce titre aux habitu�s des jeux du Su�dois. D�buter dans le genre de la gestion / strat�gie avec Crusader Kings 2, c'est risquer de se d�go�ter � vie ! L'abstraction des principes de succession, la gestion du syst�me de suzerainet� et le lent progr�s technologique sont autant d'�l�ments que l'on apprend sur le tas, � force d'erreurs et de coups d'�il sur les innombrables bulles d'aide... Alors, il semble tout indiqu� de ne pas - en plus - avoir � apprendre les principaux m�canismes d'un titre Paradox.

Des m�canismes qui mettent une fois encore la carte principale au c�ur du jeu : c'est en r�alit� bien simple et en dehors de quelques rares �crans de statistiques, on passe 100% de sa partie de Crusader Kings 2 les yeux riv�s sur la carte de l'Europe. Une carte toujours mod�lis�es via le moteur Clausewitz du studio, mais on sent une certaine ma�trise depuis Victoria 2 et plus encore Hearts Of Iron 3 : jamais un jeu Paradox n'aura �t� aussi joli, fluide et agr�able � utiliser ! La fonction de zoom / d�zoom marche au doigt et � l'�il, il n'y a gu�re de ralentissement et la stabilit� est exemplaire. Mieux, la localisation fran�aise - imparfaite au lancement - a largement profit� de la sortie des r�centes mises � jour v1.03 et surtout v1.04.


Du coup, l'habitu� des jeux Paradox se complait dans la gestion de son domaine, souvent plus r�duit que sur Europa Universalis 3 ou Victoria 2. Il administre ses provinces, pr�voit les (rares) constructions de nouvelles infrastructures et planifie la (lente) recherche scientifique. L'innovation est lente durant le Moyen-Age, mais le temps que l'on ne passe pas � peaufiner son arbre technologique, on l'utilise pour chercher un meilleur pr�tendant � sa fille, pour �couter / r�primer les demandes de ses vassaux ou pour comploter afin de renforcer l'autorit� de la Couronne / saper l'influence de l'Empereur. Il faut �galement veiller, sinon au bien-�tre, au moins � la survie de sa population afin d'�viter les r�voltes et se tenir pr�t � r�pondre � l'appel du Pape : rien ne nous y oblige, mais la Croisade est toujours excellente pour le prestige !

� ce sujet, il convient aussi de noter que, lois m�di�vales obligent, le recrutement est tr�s diff�rent de ce que les amateurs de gestion / strat�gie connaissent. Il n'est pas ici question d'entretenir des ann�es durant d'importantes troupes et on les l�ve en fonction des besoins avant de d�mobiliser aussi vite que possible afin de ne pas trop peser sur l'�conomie : les arm�es sont pour une bonne part constitu�es de paysans qui ne travaillent donc pas la terre quand ils sont au combat. Deuxi�me raison, les forces d'un Seigneur viennent g�n�ralement de ses vassaux et aussi sympas qu'ils puissent �tre, l'altruisme n'est pas leur qualit� premi�re, surtout s'ils ont eux-m�mes des vis�es sur notre tr�ne ! Dans ce dernier cas, il n'est d'ailleurs pas rare de voir des d�fections de derni�re minute et d'ignobles d�clarations de guerre tra�tres. Malgr� la n�cessit� d'avoir un casus belli pour entrer en guerre, tout le sel d'une partie de Crusader Kings 2 se situe � ce niveau : l'excellente reproduction des coups bas et autres vil�nies que l'on ne manquait pas de se faire � cette p�riode.

Sur le plan technique et dans son fonctionnement, Crusader Kings 2 est sans aucun doute le plus r�ussi et le plus agr�able des jeux de Paradox Interactive. En voyant le travail accompli depuis la premi�re int�gration du moteur Clausewitz, le chemin parcouru est impressionnant et on se surprend � esp�rer pareil traitement pour les autres p�riodes abord�es par le studio. En effet, de par ses sp�cificit�s, son fonctionnement dynastique et l'abstraction de certains concepts tels que la succession, Crusader Kings 2 est incontestablement le jeu de gestion / strat�gie le plus d�licat � prendre en main. Pour les habitu�s, aucun probl�me et son acquisition est une �vidence tant la richesse, l'intensit� et le renouvellement des parties est au rendez-vous. En revanche, pour les nouveaux venus, ceux qui voudraient s'initier au genre, il est dommage de voir que le plus abouti techniquement est aussi le plus d�licat � prendre en main... En esp�rant avoir bient�t des nouvelles du prochain projet Paradox !

Test r�alis� sur une machine � base de Core i7 3,6 GHz, 6 Go de m�moire vive et GeForce GTX 580. Le jeu semble � son aise � partir d'un processeur double-c�ur 2 GHz, �paul� par 2 Go de m�moire vive et une GeForce GTX 9800.