Test Portal 2 (PC, Mac) : 10/10 sur JeuxVideo.fr

Habile m�lange de jeu de r�flexion et d'action en vue � la premi�re personne, le premier Portal avait laiss� le souvenir d'un parfait petit jeu � la coh�rence de chaque instant. Il �tait malgr� tout difficile d'imaginer le degr� d'excellence auquel serait �lev�e sa suite, qui exc�de nos esp�rances en tout point. Projet total exprimant le plein potentiel ludique et narratif de son postulat initial, Portal 2 est l'aboutissement du game-design selon Valve : une narration somptueusement int�gr�e � un gameplay de g�nie. Cerise sur le g�teau, l'ajout d'un mode multi coop�ratif captivant finit de nous convaincre : plus qu'une simple r�f�rence, Portal 2 est une boussole pour le futur du jeu vid�o.



Souvenons-nous : le protagoniste du premier Portal avait r�ussi � s'�chapper des locaux aseptis�s d'Aperture Science, gigantesque laboratoire d'� exp�riences ï¿½ sur sujets vivants aur�ol� d'un profond myst�re. On pensait au passage avoir d�truit l'ordinateur GLaDOS, nemesis au cynisme d�licieux. Les derni�res images ne laissaient aucun doute : la pauvre humaine rattrap�e par le collet ne gambaderait pas de sit�t dans les vertes prairies. En douceur, Portal 2 prend le relai du premier �pisode alors que l'h�ro�ne �merge de son sommeil s�culaire... dans une chambre des locaux d'Aperture Science. Commence alors une nouvelle tentative d'�vasion � travers le complexe, d�vast� de fort belle mani�re par les outrages du temps.

D�s les premiers instants, Portal 2 impressionne par sa r�alisation de blockbuster opulent : les niveaux parfois gigantesques sont agr�ment�s d'effets lumineux plus pr�cis et les textures affin�es assurent la coh�rence jusqu'au plus petit d�tail. L'environnement sonore, irr�prochable, adopte les contours des ambiances calfeutr�es ou caverneuses des espaces parcourus. Tr�s vite en effet, la progression s'aventure hors des strictes salles de test, dans des couloirs d�labr�s o� prolif�rent les herbes folles. De salle en salle, les environnements font ensuite montre d'une vari�t� de formes et d'atmosph�res qu'orchestrent un vaillant Source Engine, qui devrait accuser son �ge mais co�ncide � merveille avec l'esth�tique du jeu.

En guise d'introduction au mode solo, la premi�re partie d�j� cons�quente reprend assez strictement le mod�le du premier �pisode : des salles de test au design �pur� permettent de renouer sans heurt avec le gameplay, sans toutefois refouler les novices gr�ce � une difficult� parfaitement dos�e. Pour rappel, le jeu se fonde sur la cr�ation de portails (une entr�e, une sortie) au moyen d'un outil pointeur que l'on manipule en vue FPS. Le gameplay reposant sur les interactions avec l'environnement, c'est le level-design lui-m�me qui devient l'objet de notre r�flexion.

Pass� le temps de la d�couverte, les choses s�rieuses commencent lorsque l'on d�couvre les nouveaux "outils" dispos�s dans les niveaux. Aux c�t�s des lasers, cubes et tourelles d�j� pr�sents dans le premier �pisode, on d�couvre les ponts de lumi�res et autres tunnels de gravitation redirigeables � loisir par portails interpos�s, qui compliquent d'un cran la lecture du d�cor. Pens�s pour �tre utilis�s de multiples fa�ons, il faudra parfois r�fl�chir hors des sentiers battus pour en trouver la bonne application. Mais quoi qu'il arrive, la rigoureuse logique qui pr�side � la construction des niveaux assure la justesse du parcours, et le cheminement finit toujours par appara�tre � force d'observation et d'exp�rience sur le niveau. En r�compense, le moment pr�cis o� germe la bonne id�e dans l'esprit du joueur procure un sentiment de satisfaction m�l�e de m�rite absolument jouissive.

Valve ne se satisfait pourtant pas de cette nouvelle couche de gameplay, qui aurait presque suffi � fonder l'�difice d'une grande suite. � mi-parcours, un nouveau principe fait en effet son entr�e, � la fois simple et g�nial : le gel liquide. Ces derniers se pr�sentent comme une sorte de peinture dot�e de fonctions particuli�res : l'orange acc�l�re notre vitesse, le bleu rend toute surface rebondissante et le blanc permet de placer des portails sur les endroits o� il est projet�. Pleinement exploit�s au cours de l'aventure, ils donnent lieu eux aussi � de grisantes perc�es d'intelligence.

Le level-design, impressionnant de ma�trise, est plus que jamais la pierre angulaire de ces �l�ments. Satur� d'id�es g�niales (au moins une par salle), le d�cor �poustoufle r�guli�rement par l'intelligence de son agencement, sans jamais oublier de soigner la composition esth�tique. Les derniers niveaux op�rent � ce titre une synth�se magistrale de toutes les strates du gameplay en des panoramas hallucin�s d'une modernit� scientifique devenue folle. En harmonie avec l'aspect fonctionnel des d�cors, les visions sid�rantes se succ�dent et rappellent par moment la puissance esth�tique d'un Half Life 2 : � cet �gard, la concordance entre les deux mondes n'a jamais paru si grande.


�puis�s mais heureux, on se serait satisfait de l'aventure solo qui atteint all�grement les 8 � 10 heures : plein � craquer, sans temps mort, �mouvant et jouissif sur le plan ludique, il comble totalement les attentes. Surprise, le mode multi coop�ratif fait office de deuxi�me jeu dans le jeu, permettant � deux joueurs de se lancer � l'abordage d'un grand nombre de nouvelles salles, pour une dur�e de vie relanc�e d'au moins 8 heures. Cette seconde aventure se paye m�me le luxe de renouveler le jeu en multi coop�ratif. On y interpr�te deux comp�res robots missionn�s par GLaDOS pour encha�ner les tests.

Le gameplay repose alors sur une compr�hension conjointe du niveau suivie d'une action synchronis�e. Les quatre portails (deux par personne) seront n�cessaires pour voir le bout de chaque salle, et la coop�ration obligatoire. Probl�me : les actions que l'on essaie de d�crire � son partenaire sont parfois si �labor�es que le simple fait de communiquer une id�e devient une lutte de chaque instant. Grandiose r�ussite de ce mode multijoueur : l'esprit de coop�ration exhorte alors � un niveau de dialogue et d'�coute rarement atteint dans un jeu. Ce qui n'emp�che pas une d�licieuse comp�tition de s'installer entre les partenaires, dont l'enjeu serait d'�tre le premier � comprendre le cheminement et � l'expliquer... comp�tition qu'entretient d'ailleurs la ma�tresse de ces lieux, qui ne manque aucune occasion de chambrer le plus passif des deux.

Apr�s la r�flexion vient l'action, puisqu'il il faudra synchroniser ses efforts selon le bon timing... et pour quelle r�compense ! Le moment o� les deux joueurs r�ussissent � harmoniser leurs gestes respectifs est � ce titre un grandiose moment de partage. La multiplication des portails et des �tapes de jeu s'accompagne logiquement d'une augmentation de la difficult� (qui ne vient pas seulement du grand d�fi de la � communication inter-joueur ï¿½). Le parcours se complexifie jusqu'� proposer un v�ritable challenge, m�me pour les vieux briscards du portail.

Cerise sur le g�teau concernant ce mode multijoueur, la narration n'a jamais l�ch� son emprise. � chaque �v�nement, son revers narratif, sous la forme de formules piquantes et dr�les prof�r�es par GLaDOS. En toute logique, le mode solo est le lieu o� la narration explose : les phases de jeu et de r�cit s'y emboitent le pas sans c�sure ni transitions visibles. � tout moment, la narration � l'affut peut faire irruption dans le champ du jeu, et la r�solution d'une �nigme aboutir sur une s�quence de fuite effr�n�e. Cette constante interp�n�tration du r�cit et du jeu, qui est la marque de l'art de Valve, atteint ici une forme d'aboutissement incontestable.

Si l'�criture est si dr�le et d'une telle qualit�, c'est qu'elle r�side d'abord dans l'approche � en vue de la sc�ne v�cue ï¿½, produisant des effets qui seraient impossibles ailleurs que dans un jeu vid�o. Le dialogue n'est pas simplement intelligent : avant toute chose, il n�cessite la participation du joueur pour cr�er son effet. Exemple : avant d'activer un m�canisme dans le d�cor, le robot Wheatley nous demande par pudeur de nous retourner; r�it�rant sa demande de moins en moins patiemment jusqu'� obtenir gain de cause; les sc�nes de ce type sont fr�quentes, et produisent de bluffants effets de narration participative.

Le nouveau personnage est d'ailleurs l'une des plus grandes r�ussites de Portal 2, et le ressort principal des d�veloppements narratifs. Au d�part gentil ben�t, Wheatley prend une ampleur telle qu'il infl�chira le cours du r�cit, signe de la capacit� du d�veloppeur � plonger dans la fiction et � tenir son intensit� de bout en bout. Cette pr��minence du r�cit, non contente de maintenir l'int�r�t et le rythme, permet l'existence de trois actes aux saveurs bien distinctes, dans une imparable mont�e en puissance.

Si le premier acte ressemble � un Portal gonfl� � bloc, le second op�re un basculement vertigineux dans le programme bien huil� des exp�rimentations. Livr� � sa solitude, le joueur s'y laisse guider par le seul level-design dans un esprit d'exploration brute et de contemplation h�b�t�e. Pass� ce renversement fascinant o� le monde de Portal se d�ploie enfin sur une tout autre �chelle, le troisi�me acte acc�l�re le rythme et reprend le principe des tests du d�but de l'aventure, pour les faire compl�tement d�lirer. En point d'orgue, le mode solo se termine � grands fracas, dans une course furieuse � travers un d�cor en constante recomposition, jusqu'� un final � la hauteur de notre investissement �motionnel.

On s'attendait certes � une claque, mais Portal 2 s'av�re un authentique chef-d'�uvre, une le�on de game design � l'usage de l'industrie. Alliant la pratique d'un gameplay profond � un fort attachement au r�cit, l'aventure solo est le fruit d'une alchimie rarissime entre ludisme et narration qui suffirait d�j� � justifier l'engouement. L'ajout d'un mode multijoueur captivant finit de nous convaincre : � tous points de vue, il s'agit bien de cet immense jeu cach� dans les replis du premier �pisode, qui n'a jamais tant fait figure d'introduction. Gamers de tous bords, r�jouissez-vous : Portal 2 rejoint le rang des meilleurs jeux de tous les temps.

P.S. : Notons finalement que, si la version PC reste logiquement la plus jolie, la version 360 est graphiquement en l�ger retrait sans l'antialiasing de la version PS3... Ce qui n'emp�che pas le jeu d'�tre une merveille sur tous les syst�mes.